Petite chronique de la techno com
DSAA Espace [Architecture & Environnement] au lycée public Eugène Livet de Nantes
jeudi 4 avril 2013
vendredi 15 mars 2013
FabLab & imprimante 3D [2] : Mohamed Bourouissa
(source Médiapart)
Les statues sociales de Mohamed Bourouissa
14 mars 2013 |
Par Hugo Vitrani
Si la crise financière s'est invitée dans la spéculation du
marché de l'art, des plasticiens ont fait entrer la crise des marchés
dans l'art. Entre 2000 et 2008, Julien Prévieux
a décliné par écrit 1 000 offres d'emplois. Fatigué de ne pas trouver
de job malgré son diplôme des Beaux-Arts de Grenoble, Prévieux s'est
lancé dans une entreprise artistique corrosive : traquer les petites
annonces dans la presse et les refuser par ses « lettres de non-motivation ».
Dans ses missives-défouloir réellement envoyées, l'artiste emprunte
la prose et la rhétorique de ces offres d'emplois inaccessibles,
toujours destinées à d'autres (mais à qui ?). Plusieurs fois exposée et
publiée dans un ouvrage aux éditions Zones (à consulter ici), cette correspondance surréaliste cible la tension du monde du travail. Un monde passé du « salariat » au « précariat », selon la formule de Robert Castel qui a longuement analysé « la montée des incertitudes » – emploi fragmenté, stage longue durée, pige, intérim, CDD – qui frappe l'individu de « mort sociale ».
En 2013, l'austérité s'accentue, le chômage explose et des chômeurs s'immolent. Alors les lettres de Prévieux résonnent avec « L'Utopie d'August Sander », le récent projet de Mohamed Bourouissa présenté successivement à la galerie des Bains Douches de la Plaine (Marseille), à la Mission locale et la galerie Édouard Manet à Gennevilliers, puis au centre Pompidou lors du festival Hors Piste.
"L'Utopie d'August Sander", vente sur un marché© Mohamed Bourouissa
Pendant trois mois, en 2011, Bourouissa a squatté la sortie du Pôle emploi de Marseille-Joliette. Dans son fab-lab
mobile, un camion atelier d'artiste à la carrosserie taguée : un
scanner numérique, des imprimantes industrielles 3D et des kilos de
résine. Avec son équipe, l'artiste est allé à la rencontre des
demandeurs d'emploi pour leur scanner le portrait. Une fois numérisés,
les corps deviennent sculptures miniatures et fragiles, anonymes. « Je
me suis retrouvé à faire l'inverse du travail d'August Sander qui
voulait photographier les travailleurs de l'Allemagne des années 1920 en
les catégorisant en fonction de leur secteur d'activité. J'ai
finalement envisagé le travail dans sa dimension excluante, le chômage,
qui est pour moi une question bien plus contemporaine. Sans boulot, tu
es dévalorisé. La première chose qu'on te demande, c'est ce que tu fais
dans la vie. On te définit par ton statut. Ce qui m'intéressait, c'était
de créer des statues qui questionnent le statut social des individus
qu'on allait statufier. » Puis revendre au marché noir, système D oblige.
Armée de réserve 3D
La
matière est sociale, le médium est plastique, le mode opératoire est
mécanique. L'armée de réserve 3D de Bourouissa révèle la tension subie
par l'individu plongé dans les entrailles du Pôle emploi, dans cet
interstice statutaire où l'individu n'a que deux issues incertaines :
l'emploi ou la radiation.
Si l'œuvre de Mohamed Bourouissa est souvent rythmée par l'influence de nombreux morceaux de rap (lire ici), cette fois on aurait parié sur celui polémique de Akhénaton et son refrain « Je rêve d'éclater un type, des assedics », cri du cœur d'un chômeur fictif qui pète les plombs. Raté. L'origine du projet de Bourouissa est né d'un rendez-vous manqué avec le monde de l'entreprise : l'annulation d'une œuvre qu'il voulait réaliser sur les travailleurs de ST Microelectronics, après la perte d'un contrat avec Samsung. Témoin du chômage partiel imposé aux ouvriers, l'artiste a repensé son entreprise artistique – victime collatérale de la crise – et pris le chemin du Pôle emploi pour donner corps à la masse invisible des demandeurs d'emploi. Il élabore alors un processus de création : convaincre le chômeur de participer au projet / le scanner / le mouler en résine / revendre sa sculpture à la sauvette.
Si l'œuvre de Mohamed Bourouissa est souvent rythmée par l'influence de nombreux morceaux de rap (lire ici), cette fois on aurait parié sur celui polémique de Akhénaton et son refrain « Je rêve d'éclater un type, des assedics », cri du cœur d'un chômeur fictif qui pète les plombs. Raté. L'origine du projet de Bourouissa est né d'un rendez-vous manqué avec le monde de l'entreprise : l'annulation d'une œuvre qu'il voulait réaliser sur les travailleurs de ST Microelectronics, après la perte d'un contrat avec Samsung. Témoin du chômage partiel imposé aux ouvriers, l'artiste a repensé son entreprise artistique – victime collatérale de la crise – et pris le chemin du Pôle emploi pour donner corps à la masse invisible des demandeurs d'emploi. Il élabore alors un processus de création : convaincre le chômeur de participer au projet / le scanner / le mouler en résine / revendre sa sculpture à la sauvette.
"L'Utopie d'August Sander", vente sur un marché© Mohamed Bourouissa
Si les statues sont anonymes, elles sont identifiables. À chaque
nouvelle sculpture produite à la chaîne, Bourouissa complète un fichier
Excel. Nom, prénom, date de la numérisation, date du moulage, temps de
réalisation (parfois jusqu'à 6 heures), réplique clinique des fichiers
qui régissent nos existences : des fiches Pôle emploi à celles des RG,
numéro de sécu, acte de naissance ou matricule de prison.
« Ce qui m'intéresse, c'est l'individu pris dans une mécanique, comment il est perçu par le système. Ce que je fais, c'est une sorte d'anti-monument. J'essaye de révéler un point de vue, un regard sur une situation particulière. » Parlant « d'expérience », de « laboratoire » et « d'outil de réflexion », Bourouissa a présenté à plusieurs reprises son travail en work in progress, déjouant les codes propres aux expositions. Il transforme l'espace en réplique austère du Pôle emploi : tables autoritaires, photos de bureaux, fichiers Excel, armées de statues qui semblent répondre aux moulages ultra HD et hors de prix de Xavier Veilhan. Avec ses machines qui tournent à plein temps, Bourouissa nous plonge dans une exposition-atelier, et refuse de présenter un résultat figé. « Ma pensée sur ce projet n'est pas figée, elle évolue. Quand tu es chômeur, tu es en mouvement, tu ne restes pas chômeur toute ta vie. » Alors l'exposition n'est jamais la même, bien qu'elle se répète : les statues vont et viennent en fonction de l'offre et la demande.
« Ce qui m'intéresse, c'est l'individu pris dans une mécanique, comment il est perçu par le système. Ce que je fais, c'est une sorte d'anti-monument. J'essaye de révéler un point de vue, un regard sur une situation particulière. » Parlant « d'expérience », de « laboratoire » et « d'outil de réflexion », Bourouissa a présenté à plusieurs reprises son travail en work in progress, déjouant les codes propres aux expositions. Il transforme l'espace en réplique austère du Pôle emploi : tables autoritaires, photos de bureaux, fichiers Excel, armées de statues qui semblent répondre aux moulages ultra HD et hors de prix de Xavier Veilhan. Avec ses machines qui tournent à plein temps, Bourouissa nous plonge dans une exposition-atelier, et refuse de présenter un résultat figé. « Ma pensée sur ce projet n'est pas figée, elle évolue. Quand tu es chômeur, tu es en mouvement, tu ne restes pas chômeur toute ta vie. » Alors l'exposition n'est jamais la même, bien qu'elle se répète : les statues vont et viennent en fonction de l'offre et la demande.
"L'Utopie d'August Sander", vente sur un marché© Mohamed Bourouissa
S'échappant du marché de l'art, Bourouissa artiste devient vendeur à
la sauvette, “bicravant” 2 euros pièce ses statues dans les marchés
précaires et périphériques des puces et des quartiers nord de Marseille.
Il se soumet à l'économie parallèle et aux critères artistiques
d'acheteurs amateurs qui n'ont pas encore pris conscience de la bonne
affaire. Troc, discussions sans queue ni tête, refus pour cause
idéologique, palabres… Bourouissa a filmé tous ces échanges de mains et
de paroles avec une caméra cachée, et en a fait un film. « Quand
j'essaye de vendre mes sculptures, parfois je me retrouve à troquer la
sculpture contre un paquet de clopes. L'échange peut être divers, dans
ce projet il a une dimension précaire. C'est lié à l'endroit particulier
dans lequel je les vends. La précarité du travail produit une précarité
économique et oblige à passer à d'autres modalités économiques. »
Clef de voûte de son expérience, Bourouissa a organisé des tables rondes avec des chômeurs et édité un Livre des refus où il rend la parole aux nombreux individus qui ont refusé de participer à sa démarche. En assumant au grand jour cette tension et ce risque de franchir à tout moment une ligne rouge qui est souvent au centre de la réussite de ses œuvres, Mohamed Bourouissa révèle ici toute la violence silencieuse qui gronde dans ces lieux de gestion de crise. Avec ces paroles crues, sans filtre, la manifestation artistique de Mohamed Bourouissa prend toute sa force, devenant, sans jamais tomber dans du militantisme idéologique, un véritable haut-parleur social.
Clef de voûte de son expérience, Bourouissa a organisé des tables rondes avec des chômeurs et édité un Livre des refus où il rend la parole aux nombreux individus qui ont refusé de participer à sa démarche. En assumant au grand jour cette tension et ce risque de franchir à tout moment une ligne rouge qui est souvent au centre de la réussite de ses œuvres, Mohamed Bourouissa révèle ici toute la violence silencieuse qui gronde dans ces lieux de gestion de crise. Avec ces paroles crues, sans filtre, la manifestation artistique de Mohamed Bourouissa prend toute sa force, devenant, sans jamais tomber dans du militantisme idéologique, un véritable haut-parleur social.
- Le projet L'Utopie d'August Sander est visible jusqu'au 31 mars 2013 dans l'exposition “Ici, Ailleurs” au Panorama-Friche la Belle de Mai, Marseille.
FabLab & imprimante 3D [1] : François Brument au VIA
La Carte Blanche Habitat imprimé de François Brument en collaboration avec Sonia Laugier
(source site VIA) : La Carte Blanche "Habitat imprimé" de François Brument spécule sur l’outil numérique et sur sa capacité à développer une chaîne continue de la conception à la fabrication. François Brument, dont les recherches ont été pour certaines soutenues par VIA depuis 2007, élargit ici son champ d’investigation au bâti : une spéculation qui bouscule les règles traditionnelles de l’aménagement intérieur où gros oeuvre, second oeuvre et finitions fusionnent grâce aux technologies les plus avancées de l’impression 3D.
Ainsi, paramétrées selon l’épaisseur variable des parois, la prise en compte du mobilier et des équipements techniques, de fines couches de matière (plastique, sable ou béton) se superposent, pour créer un aménagement sur mesure pouvant se moduler au cours de la réalisation. La pièce présentée ici est un module – chambre, cabine de douche, dressing – de 15m2.
Pour mettre en forme cette Carte Blanche, François Brument a fait appel à la société Voxeljet. Lors de leur rencontre en mai 2011, François Brument a saisi tout l’intérêt et le potentiel de la seule imprimante 3D capable de produire des pièces de grande taille (4 m [L] x 2 m [l] x 1 m [h]) pour développer ce concept productif révolutionnaire destiné à l’habitat. Une première mondiale.
sur le site du VIA
sure le site in-flexions (François Brument/Sonia Laugier)
(source site VIA) : La Carte Blanche "Habitat imprimé" de François Brument spécule sur l’outil numérique et sur sa capacité à développer une chaîne continue de la conception à la fabrication. François Brument, dont les recherches ont été pour certaines soutenues par VIA depuis 2007, élargit ici son champ d’investigation au bâti : une spéculation qui bouscule les règles traditionnelles de l’aménagement intérieur où gros oeuvre, second oeuvre et finitions fusionnent grâce aux technologies les plus avancées de l’impression 3D.
Ainsi, paramétrées selon l’épaisseur variable des parois, la prise en compte du mobilier et des équipements techniques, de fines couches de matière (plastique, sable ou béton) se superposent, pour créer un aménagement sur mesure pouvant se moduler au cours de la réalisation. La pièce présentée ici est un module – chambre, cabine de douche, dressing – de 15m2.
Pour mettre en forme cette Carte Blanche, François Brument a fait appel à la société Voxeljet. Lors de leur rencontre en mai 2011, François Brument a saisi tout l’intérêt et le potentiel de la seule imprimante 3D capable de produire des pièces de grande taille (4 m [L] x 2 m [l] x 1 m [h]) pour développer ce concept productif révolutionnaire destiné à l’habitat. Une première mondiale.
sur le site du VIA
sure le site in-flexions (François Brument/Sonia Laugier)
Inscription à :
Articles (Atom)